jeudi 5 mars 2015

Et toi, tu marches ?


L’article 19 de la Constitution marocaine dispose dans son premier alinéa « l’homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et environnemental (…) ».

Pourtant, ce principe, inscrit sur papier est loin de la réalité. Il suffit de regarder d’autres textes qui, malgré leur valeur infractonstitutionnelle, sont contraires à l’article 19.
À ce titre, rappelons les inégalités en matière d’héritage, celles touchant à l’interdiction du mariage des femmes marocaines avec des hommes non-musulmans, la pénalisation pure et simple de l’avortement déniant ainsi aux femmes leur droit de choisir.
Rappelons également l’aberrante impunité dont jouissent les violeurs et qui sont encore aujourd’hui autorisés à épouser leurs victimes – même mineures ! –, échappant ainsi à toutes poursuites pénales.
Rappelons l’absence de législation en matière de harcèlement sexuel sur les lieux publics, et les difficultés rencontrées par les femmes dans leur milieu de travail ou harcèlement et discrimination sont le principe et non l’exception. Peut-on réellement imaginer qu’une personne qui ne peut accéder à l’espace public sans risquer son intégrité physique et psychique se sente pleinement citoyenne ?
Rappelons également l’indifférence totale du ministère public face aux violences faites aux femmes, notamment les viols et autres agressions sexuelles, pourtant faisant l’objet de dispositions pénales, mais dont les auteurs ne sont jamais inquiétés. 
Lorsque les femmes, victimes de la pression sociale dont elles font incontestablement l’objet, refusent de porter plainte, quel rôle du Procureur du roi ? Aucun, le droit est balayé d’un revers de main au profit d’accords familiaux, sans même s’assurer que le consentement de la victime est éclairé – et comment peut-il l’être en présence d’une victime mineure ?

Aujourd’hui, au Maroc, être une femme est un combat permanent et fatigant. Je* suis fatiguée de ne pas pouvoir marcher dans la rue, je suis fatiguée de devoir justifier mes choix personnels, d’exiger le respect parce que je suis « comme ta sœur » ou « comme ta mère ». Je suis fatiguée de devoir sans cesse construire une argumentation pour démontrer que je suis comme l’homme : un être humain doté de raison et que, de facto, j’ai droit à la dignité. Je suis fatiguée. 

Le 8 mars prochain, des hommes et des femmes défileront pour l’égalité à Rabat. 
Est-ce nécessaire ? Oui, parce qu'il faut se soulever contre l'inégalité, mais aussi contre l'humiliation permanente des femmes par le gouvernement et autres responsables politiques, au sein même du Parlement. Oui, parce qu'il faut montrer aux Marocains que défendre le droit des femmes n'est pas l'apanage des partis politiques ou des associations dites féministes, que c'est une cause qui touche tous les citoyens, quelles que soient leurs orientations politiques. À ceux qui critiquent la récupération politique de la « cause féministe », je vous demande de vous l'approprier, de l'arracher comme on arrache  la liberté









*N’ayant pas reçu mandat pour parler au nom de toutes les femmes, j’utilise la première personne du singulier.