L’article
19 de la Constitution marocaine dispose dans son premier alinéa « l’homme et la femme jouissent, à égalité,
des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social,
culturel et environnemental (…) ».
Pourtant,
ce principe, inscrit sur papier est loin de la réalité. Il suffit de regarder
d’autres textes qui, malgré leur valeur infractonstitutionnelle, sont
contraires à l’article 19.
À ce
titre, rappelons les inégalités en matière d’héritage, celles touchant à
l’interdiction du mariage des femmes marocaines avec des hommes non-musulmans, la
pénalisation pure et simple de l’avortement déniant ainsi aux femmes leur droit
de choisir.
Rappelons
également l’aberrante impunité dont jouissent les violeurs et qui sont encore
aujourd’hui autorisés à épouser leurs victimes – même mineures ! –, échappant
ainsi à toutes poursuites pénales.
Rappelons
l’absence de législation en matière de harcèlement sexuel sur les lieux
publics, et les difficultés rencontrées par les femmes dans leur milieu de
travail ou harcèlement et discrimination sont le principe et non l’exception. Peut-on réellement imaginer qu’une personne qui ne peut accéder à l’espace public sans risquer son
intégrité physique et psychique se sente pleinement citoyenne ?
Rappelons
également l’indifférence totale du ministère public face aux violences faites aux
femmes, notamment les viols et autres agressions sexuelles, pourtant faisant
l’objet de dispositions pénales, mais dont les auteurs ne sont jamais
inquiétés.
Lorsque les femmes, victimes de la pression sociale dont
elles font incontestablement l’objet, refusent de porter plainte, quel rôle du
Procureur du roi ? Aucun, le droit est balayé d’un revers de main au
profit d’accords familiaux, sans même s’assurer que le consentement de la
victime est éclairé – et comment peut-il l’être en présence d’une victime
mineure ?
Aujourd’hui,
au Maroc, être une femme est un combat permanent et fatigant. Je* suis fatiguée
de ne pas pouvoir marcher dans la rue, je suis fatiguée de devoir justifier mes
choix personnels, d’exiger le respect parce que je suis « comme ta
sœur » ou « comme ta mère ». Je suis fatiguée de devoir sans cesse construire une argumentation
pour démontrer que je suis comme l’homme : un être humain doté de raison et que, de facto, j’ai droit à la dignité. Je suis fatiguée.
Le 8
mars prochain, des hommes et des femmes défileront pour l’égalité à Rabat.
Est-ce nécessaire ? Oui, parce qu'il faut se soulever contre l'inégalité, mais aussi contre l'humiliation permanente des femmes par le gouvernement et autres responsables politiques, au sein même du Parlement. Oui, parce qu'il faut montrer aux Marocains que défendre le droit des femmes n'est pas l'apanage des partis politiques ou des associations dites féministes, que c'est une cause qui touche tous les citoyens, quelles que soient leurs orientations politiques. À ceux qui critiquent la récupération politique de la « cause
féministe », je vous demande de vous l'approprier, de l'arracher comme on arrache la liberté !
*N’ayant
pas reçu mandat pour parler au nom de toutes les femmes, j’utilise la première
personne du singulier.