mercredi 19 septembre 2018

Saâd Lemjarred, censure et présomption d'innocence

La question de la censure des personnes poursuivies ou coupables n’est pas nouvelle. Plus qu’une question d’ordre juridique ou moral, c’est une question philosophique. 
Malheureusement, je ne suis pas philosophe, mais j’ai toujours eu une certaine idée de la justice.

Un certain nombre de personnes ont interpellé une radio sur twitter, lui sommant d’arrêter la diffusion des chansons de cet artiste par ailleurs poursuivi pour viol, au motif que celles-ci constitueraient une incitation à la culture du viol.
Au-delà de la culpabilité ou de l’innocence de Saâd Lamjarred qui reste d’ailleurs à démontrer, les affaires dans lesquelles il serait impliqué étant en cours d’instruction, je me suis demandée ce qui pourrait légalement justifier une telle demande.

Faut-il, au nom d’une certaine morale ou éthique, prôner la censure des chansons de Saâd Lamjarred ? 

La question n’est pas nouvelle et s’est déjà posée pour de nombreux artistes, auteurs, etc. Systématiquement, elle a vu s’opposer deux opinions différentes : l’opinion de ceux qui pensent que la morale ou l’éthique dicte une telle censure et, en face, l’opinion de ceux qui pensent que la loi s’oppose à cette censure. 

En l’espèce, en ce qui concerne la première catégorie, rares étaient les personnes qui souhaitaient faire une analyse des paroles des chansons de l’artiste afin d’en déterminer le contenu incitatif au viol. En fait, la censure avait un seul objectif : la censure elle-même.

L’opinion contraire, quant à elle, repose à mon sens sur des argument plus solides. Précisément deux arguments. D’une part, la liberté d’expression et, d’autre part, la présomption d’innocence.

Une remarque préliminaire s’impose et elle est fondamentale. 

Faire un raisonnement juridique, ce n’est pas être “légaliste”, au sens négatif du terme. Nous vivons et évoluons dans une société où la loi est censée être notre pacte social, ce qui nous permet de vivre ensemble.

Le “légalisme”, n’en déplaise à certains, est ce qui est censé m’assurer, en tant que citoyenne, que mes droits seront respectés, y compris mon intégrité physique.

Le droit, avant toute éthique ou morale, est ce qui est censé me garantir que je ne serai ni agressée sexuellement ni violée. Par conséquent, la loi, au sens large, presque “moral” (allez !) du terme, doit être la base de tout.

L’Etat est la personne qui doit garantir le respect indéfectible des lois et donc la sécurité de ses citoyens. Plus particulièrement, les procureurs du Roi ont le devoir d’engager des poursuites toutes les fois où la loi n’est pas respectée et que les intérêts de la société toute entière sont bafoués.

Au Maroc, les procureurs font rarement leur travail et c’est ce qui induit un sentiment d’impunité chez tous ceux qui nous agressent et nous violent tous les jours.

En effet, la loi n’est qu’un ornement quand elle n’est pas suivie d’une application assidue pour veiller à son respect. 

Mais venons-en donc aux deux arguments susmentionnés. 

Pourquoi faudrait-il défendre le droit à la liberté d’expression de Saâd Lamjarred ? 

J’étais étonnée d’entendre que pour punir une personne mise en examen pour viol, il faille interdire la diffusion de ses chansons.

D’abord, je ne voyais pas vraiment le lien entre ces deux questions.

Il me semble dangereux que la place publique puisse imposer des sanctions qui ne sont pas prévues par la loi.

Si les chansons de Saâd Lamjarred contiennent des paroles incitant au viol, mon hésitation n’aurait pas été la même. Mais le fait est que, tout au plus, ses chansons sont sexistes et le sexisme, n’est pas encore une infraction pénale, malheureusement. 

En réalité, inciter à la censure de Saâd Lamjarred, c’est inciter à la censure de tout autre artiste, coupable d’un délit ou non, en liberté ou non. 
Pourquoi ? Parce que cette censure n’a pas un fondement légal mais moral. La morale d’un peuple n’est pas uniforme. Demain un ministre interdira la publication d’un film, prenons au hasard Much Love, parce qu’il parle de sujets tabous comme la prostitution ou la chanson d’un rappeur, prenons au hasard l7a9ed, parce qu’il critique le régime.

Indirectement, même sur des fondements moraux différents, accepter de censurer de Saâd Lemjarred, c’est accepter la censure. 

Bien entendu, une radio privée peut faire le choix de ne plus diffuser les chansons de Saâd Lamjarred parce que sa responsabilité sociale le lui impose ou que son code de conduite interne le lui commande. Soit, mais je mets au défi une quelconque radio de vérifier les casiers judiciaires de tous les artistes dont elle accepte de diffuser les chansons. 

Et après tout, pourquoi interdirait-on les chansons d’une personne qui n’a pas encore été condamnée ? 

Mon étonnement était grand face à un argument en particulier : une personne qui a été poursuivie quatre fois pour les mêmes faits et qui plus est fait l’objet d’une détention provisoire est forcément coupable.

Mais si tel était le cas, quel serait l’intérêt de la procédure ? Quelle serait l’utilité de la justice ? Pourquoi donc ne le condamnerait-on pas d’ores et déjà, puisque le “quota des plaintes” à son encontre est atteint ? 

A mon sens, cet argument représente un grand danger pour nos libertés à tous, en tant que justiciables.

Parce que Saâd Lemjarred est poursuivi pour des faits graves et qu’il risque de perdre le bien le plus précieux de tous les hommes, sa liberté, il faut que la justice soit irréprochable à son égard. 

Comprenons-nous bien. A mon avis un violeur est une personne qui renie à sa victime son humanité et par là-même il se renie à lui-même son humanité.
En tant que juriste, mais surtout en ma qualité de citoyenne, je refuse de lui renier son humanité en lui déniant tout droit. Renier à un violeur son humanité, c’est renier ma propre humanité. 

Les victimes de viol qui portent plainte devant la justice refusent de se faire justice elles-mêmes et adhèrent par ce geste courageux au contrat social. Pourquoi la société choisirait-elle d’agir à leur place et de se substituer à la justice ? Je me pose la question.

La justice n’a pas à être rendue par les tribunaux ad hoc formés par twitter. 

Les décisions de justice ne font pas 240 caractères, elles sont motivées. 

Croire en la justice, c’est défendre les victimes de viol en tout lieu et exiger que le prononcé des sentences à l’encontre de leur violeur soit digne. 


Soyons dignes face à la gravité des enjeux.

lundi 21 août 2017

Mesdames, l'espace public ne vous appartient pas

Il y a quelques heures, une vidéo représentant une femme dans un bus, visiblement victime d’agression sexuelle de la part de plusieurs adolescents, a fait le tour du web.

Au Maroc, et contrairement à ce que certains peuvent avancer, ces scènes ne sont pas « nouvelles », et ces violences ne sont pas récentes. La différence, étant qu’elles sont aujourd’hui filmées et diffusées sur internet.

Passés le choc et le dégoût – en réalité, ils ne s’estomperont jamais – il est temps de réfléchir. Comment une agression d’une telle violence est-elle possible ? Comment est-elle rendue possible dans un espace public : le bus ? Comment peut-elle avoir lieu sans qu’à aucun moment il n’y ait d’intervention extérieure ?

Une autre question me taraude : Que fait l’Etat ? Que fait le législateur ? Que fait la justice ? Où sont nos procureurs (il paraît qu’on en a) ?

Le commentaire d’un des internautes m’a particulièrement interpellé : il se désolait de l’incapacité des personnes présentes et des victimes de ces agressions à porter plainte.

Et puis j’ai pensé… mais si les témoins ou les victimes en sont incapables, quid de nos valeureux procureurs dont j’ai précédemment vanté les mérites ?

En réalité, il me semble que certaines définitions clés nous permettent de comprendre pourquoi ces jeunes gens ont commis ces actes avec autant d’aplomb, d’assurance et à la vue de tous.

Code pénal 
Plus qu’un recueil de lois prononçant les peines les plus sévères dans un ordonnancement juridique donné, le Code pénal est une véritable vitrine des valeurs d’une société. En effet, il a vocation à punir les crimes et les délits portant atteinte, non seulement à l’intégrité physique ou psychique d’une victime, mais à l’intégrité de la société toute entière. C’est donc tout naturellement que le Code pénal punit plus ou moins sévèrement les actions que la société considère plus ou moins répréhensibles.

Les agressions et les viols font bien partie de notre arsenal législatif pénal. On peut donc raisonnablement penser que ces délits et crimes sont contraires aux valeurs de notre société.

En recherchant ces infractions dans le Code pénal, on se dirige tout naturellement vers la section « Des crimes et délits contre les personnes ». Que nenni ! Les agressions constitutives de viol ou d’agression sexuelle sont placées sous une autre section intitulée « Des crimes et délits contre l’ordre des familles et la moralité publique ». Ici, les femmes sont considérées comme des parcelles d’une famille, sans existence propre, leur corps appartient à leur famille (et à la moralité publique). Considère-t-on au moins qu’elles soient des personnes ? J’en doute, vraiment.

La valeur que dégage cette infraction telle que prévue dans notre code pénal, c’est la misogynie et non la volonté de protéger l’intégrité des personnes. Les femmes, en tant que catégorie de la société, sont des sous-personnes.

Procureur du Roi
D’après la Constitution et le Code de procédure pénale, le Procureur du Roi est chargé de recevoir les plaintes et de décider de la suite qu’il faut leur donner. Mais ce n’est pas tout ! Il est également chargé de rechercher et de poursuivre les infractions.

Pour résumer, le procureur est chargé de représenter la société lorsque son intégrité est menacée, lorsque les valeurs de la société sont violées (sans mauvais jeu de mots), c’est-à-dire lorsque la loi pénale est bafouée.  

Agression sexuelle
Cette expression ne figure pas en tant que telle dans notre valeureux Code pénal (sauf à l’article 231-4 qui la considère comme une circonstance aggravante lorsqu’elle accompagne des actes de torture).

A sa place, on peut lire « attentat à la pudeur » qui est d’ailleurs puni, mais nullement défini. On peut toutefois le distinguer du viol qui est défini comme l’acte par lequel un homme a des relations sexuelles avec une femme contre le gré de celle-ci. L’imprécision de cette définition nous pousse à l’interrogation : Un baiser volé est-il constitutif d’un viol ? Une relation sexuelle sans pénétration est-elle un viol ? On n’en sait rien, notre Code est beaucoup trop pudique pour nous l’expliquer.

En réalité, l’équation est la suivante…
Pour mettre un terme aux agressions sexuelles dont les femmes sont constamment victimes au Maroc, il faut d’abord qu’elles soient considérées comme égales des hommes au sein même du Code pénal. Que nous soyons des personnes, et non des garantes de la moralité ou l’immoralité de nos familles. Pour cela, il faut que les violences contre les femmes ne fassent plus partie des valeurs de notre société. Malheureusement, le chemin est long, vraiment long.

Aussi, le Code pénal ne définit pas les infractions qu’il punit, alors que c’est le propre d’un Code pénal. Il doit être entièrement modifié. Modifié ? Que dis-je ? Remplacé. Malheureusement, le législateur n’en fait pas sa priorité.

Enfin, le parquet ne remplit pas sa mission. A la tête de nos procureurs, le ministre de la justice, ne définit pas de politique pénale claire visant à assurer notre sécurité. C’est scandaleux.

Pour conclure
Beaucoup d’hommes ne réalisent pas qu’être une femme au Maroc est une souffrance permanente. L’espace public appartient aux hommes, il nous est interdit, et quand nous bravons l’interdit, nous en payons le prix fort, celui de notre intégrité physique et mentale. Une écrasante majorité d’hommes considère que nous sommes des objets sexuels méritant d’être agressées ou violées.

Quelles solutions s’offrent à nous ? En parcourant le Code pénal, j’ai découvert un article qui m’a fait sourire (jaune), l’article 419 qui dispose que le crime de castration est excusable s'il a été immédiatement provoqué par un attentat à la pudeur commis avec violences.

J’ose espérer que cette solution ne soit pas l’unique qui s’offre à nous.  

mercredi 8 juillet 2015

Nul n’est censé ignorer la loi, surtout pas le Ministère public



Les faits

Deux femmes vêtues de robes à Inzegane ont été arrêtées et poursuivies par le Procureur du roi d’Agadir pour outrage public à la pudeur.
Celles-ci avaient interpellé les forces de l’ordre lorsqu’une foule indignée par leur tenue s’est rassemblée autour d’elles.

Quid juris ?

L’article 483 du Code pénal prévoit dans son premier alinéa :

« Quiconque, par son état de nudité volontaire ou par l’obscénité de ses gestes ou de ses actes, commet un outrage public à la pudeur est puni de l’emprisonnement d’un mois à deux ans et d’une amende de 200 à 500 dirhams ».

C’est cet article-la qui a fondé les poursuites engagées contre les prévenues.
Constituent une infraction lorsque commises dans l’espace public :
-       La nudité volontaire ;
-       L’obscénité des gestes ou des actes.

Le terme nudité est défini par le dictionnaire Larousse comme le fait d’être non vêtu. L’on a alors du mal à comprendre en quoi le fait de porter une robe constitue un acte d’exhibition. Traduite en termes juridiques, la nudité constitue une exhibition à caractère sexuel, dans l’espace public, ayant pour objet de choquer.
Quant à l’expression « l’obscénité des gestes ou des actes », elle pourrait avoir autant d’interprétations que de personnes sur la planète terre et au-delà.
L’on croirait presque que le caractère restrictif du terme « état de nudité » est annulé par l’interprétation large et extensive que l’on peut faire de l’expression « obscénité de ses gestes ou de ses actes », et que l’on pourrait qualifier de fourre-tout juridique.

Le procureur

L’ambiguïté des termes n’a pourtant pas empêché le Procureur du roi de poursuivre les deux femmes, conformément au pouvoir qui lui est conféré par l’article 38 du Code de procédure pénale qui dispose :

« Le procureur du Roi :
-       reçoit les procès-verbaux, les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner ;
-       procède ou fait procéder à tous les actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions à la loi pénale ;
-       saisit les juridictions d'instruction ou de jugement compétentes pour en connaître, ou ordonne leur classement par une décision toujours révocable;
(…) »

En effet, le Procureur du roi dispose de l’opportunité des poursuites. C’est-à-dire qu’il apprécie l’intérêt qu’il y a à poursuivre une personne pour une infraction déterminée. Il peut de facto décider que des poursuites ne sont pas opportunes notamment lorsque l’infraction n’est pas constituée ou lorsque les faits qui lui sont présentés ne sont pas suffisamment probants.

Nonobstant ces pouvoirs, le Procureur du roi n’est pas un électron libre. Il s’agit en effet d’un magistrat du parquet placé sous le contrôle hiérarchique du chef du parquet général et plus largement sous celui du Ministère de la justice et des libertés. Par conséquent, et contrairement aux magistrats du siège, les magistrats du parquet ne sont pas tout à fait indépendants.
Le second alinéa de l’article 110 de la Constitution le rappelle d’ailleurs lorsqu’il précise « Les magistrats du parquet sont tenus à l’application de la loi et doivent se conformer aux instructions écrites, conformes à la loi, émanant de l’autorité hiérarchique ». L’article 116 in fine ajoute « dans les affaires concernant les magistrats du parquet, le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire prend en considération les rapports d’évaluation établis par l’autorité hiérarchique dont ils relèvent ».

Plus important encore, l’article 128 de la Loi fondamentale dispose que la police judiciaire agit sous l’autorité du ministère public en ce qui concerne « les investigations nécessaires à la recherche des infractions, à l’arrestation des délinquants et à l’établissement de la vérité ». Or, dans son réquisitoire, le Procureur du roi aurait insisté sur le fait qu’il aurait reçu de mauvaises informations de la part des forces de l’ordre, ce qui l’aurait induit en erreur et l’aurait mené à engager des poursuites.

La morale de l’histoire 

S’il fallait résumer la morale de cette histoire en une seule phrase, ce serait celle-là : nemo censetur ignorare legem*, surtout pas le Procureur du roi. 
Il ne s’agit pas là d’un cas d’espèce ou d’un fait divers. Cette affaire est symptomatique du danger que peut représenter l’interprétation extensive du Code pénal sur les libertés individuelles des citoyens et sur la paix sociale.

Elle nous montre également à quel point le rôle du Ministère public est central. Ce dernier est chargé d’engager des poursuites à chaque fois que la loi a été violée, et que cette constatation doit être faite au bout d’une enquête sérieuse. Il ne peut plus se permettre d’engager des poursuites fantaisistes et dénuées de base légale sans encourir de sanctions disciplinaires. Ces sanctions n'empêchent d'ailleurs pas d’engager la responsabilité de l’État comme le permet l’article 122 de la Constitution.

Et si cette affaire installait une autre jurisprudence que celle interdisant aux femmes de porter une robe ? Ce serait la jurisprudence Inzegane rappelant à l’ordre tous les procureurs du Royaume. On peut rêver, non ?



*Nul n’est censé ignorer la loi.

jeudi 5 mars 2015

Et toi, tu marches ?


L’article 19 de la Constitution marocaine dispose dans son premier alinéa « l’homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et environnemental (…) ».

Pourtant, ce principe, inscrit sur papier est loin de la réalité. Il suffit de regarder d’autres textes qui, malgré leur valeur infractonstitutionnelle, sont contraires à l’article 19.
À ce titre, rappelons les inégalités en matière d’héritage, celles touchant à l’interdiction du mariage des femmes marocaines avec des hommes non-musulmans, la pénalisation pure et simple de l’avortement déniant ainsi aux femmes leur droit de choisir.
Rappelons également l’aberrante impunité dont jouissent les violeurs et qui sont encore aujourd’hui autorisés à épouser leurs victimes – même mineures ! –, échappant ainsi à toutes poursuites pénales.
Rappelons l’absence de législation en matière de harcèlement sexuel sur les lieux publics, et les difficultés rencontrées par les femmes dans leur milieu de travail ou harcèlement et discrimination sont le principe et non l’exception. Peut-on réellement imaginer qu’une personne qui ne peut accéder à l’espace public sans risquer son intégrité physique et psychique se sente pleinement citoyenne ?
Rappelons également l’indifférence totale du ministère public face aux violences faites aux femmes, notamment les viols et autres agressions sexuelles, pourtant faisant l’objet de dispositions pénales, mais dont les auteurs ne sont jamais inquiétés. 
Lorsque les femmes, victimes de la pression sociale dont elles font incontestablement l’objet, refusent de porter plainte, quel rôle du Procureur du roi ? Aucun, le droit est balayé d’un revers de main au profit d’accords familiaux, sans même s’assurer que le consentement de la victime est éclairé – et comment peut-il l’être en présence d’une victime mineure ?

Aujourd’hui, au Maroc, être une femme est un combat permanent et fatigant. Je* suis fatiguée de ne pas pouvoir marcher dans la rue, je suis fatiguée de devoir justifier mes choix personnels, d’exiger le respect parce que je suis « comme ta sœur » ou « comme ta mère ». Je suis fatiguée de devoir sans cesse construire une argumentation pour démontrer que je suis comme l’homme : un être humain doté de raison et que, de facto, j’ai droit à la dignité. Je suis fatiguée. 

Le 8 mars prochain, des hommes et des femmes défileront pour l’égalité à Rabat. 
Est-ce nécessaire ? Oui, parce qu'il faut se soulever contre l'inégalité, mais aussi contre l'humiliation permanente des femmes par le gouvernement et autres responsables politiques, au sein même du Parlement. Oui, parce qu'il faut montrer aux Marocains que défendre le droit des femmes n'est pas l'apanage des partis politiques ou des associations dites féministes, que c'est une cause qui touche tous les citoyens, quelles que soient leurs orientations politiques. À ceux qui critiquent la récupération politique de la « cause féministe », je vous demande de vous l'approprier, de l'arracher comme on arrache  la liberté









*N’ayant pas reçu mandat pour parler au nom de toutes les femmes, j’utilise la première personne du singulier.

mercredi 5 novembre 2014

Plaidoirie de Gisèle Halimi contre l'interdiction de l'avortement

En 1972, l'avortement est encore une infraction en France. Dans cette affaire dite affaire de Bobigny, Marie-Claire, une lycéenne de 16 ans est violée et tombe enceinte. Ayant décidé d'interrompre cette grossesse, elle sollicite l'aide de sa mère, Mme Chavalier. Une fois l'avortement pratiqué, la mère est poursuivie pour complicité d'avortement sur le fondement de l'article 317 ancien du Code pénal français. C'est alors Maître Gisèle Halimi qui la défendra. 

À la lecture de sa plaidoirie ci-dessous retranscrite, je n'ai pas pu m'empêcher de penser à la question de l'avortement au Maroc. À vrai dire, j'ai trouvé dans chaque ligne de cette plaidoirie une raison d'abroger les articles du Code pénal marocain pénalisant l'avortement. Je vous souhaite une excellente lecture.

« Monsieur le président, Messieurs du tribunal,
       Je ressens avec une plénitude jamais connue à ce jour un parfait accord entre mon métier qui est de plaider, qui est de défendre, et ma condition de femme.
Je ressens donc au premier plan, au plan physique, il faut le dire, une solidarité fondamentale avec ces quatre femmes, et avec les autres.
Ce que j’essaie d’exprimer ici, c’est que je m’identifie précisément et totalement avec Mme Chevalier et avec ces trois femmes présentes à l’audience, avec ces femmes qui manifestent dans la rue, avec ces millions de femmes françaises et autres.
Elles sont ma famille. Elles sont mon combat. Elles sont ma pratique quotidienne.
Et si je ne parle aujourd’hui, Messieurs, que de l’avortement et de la condition faite à la femme par une loi répressive, une loi d’un autre âge, c’est moins parce que le dossier nous y contraint que parce que cette loi est la pierre de touche de l’oppression qui frappe les femmes.
C’est toujours la même classe, celle des femmes pauvres, vulnérables économiquement et socialement, cette classe des sans-argent et des sans-relations qui est frappée.
Voilà vingt ans que je plaide, Messieurs, et je pose chaque fois la question et j’autorise le tribunal à m’interrompre s’il peut me contredire. Je n’ai encore jamais plaidé pour la femme d’un haut commis de l’État, ou pour la femme d’un médecin célèbre, ou d’un grand avocat, ou d’un P-DG de société, ou pour la maîtresse de ces mêmes messieurs.
Je pose la question. Cela s’est-il trouvé dans cette enceinte de justice ou ailleurs ? Vous condamnez toujours les mêmes, les « Mme Chevalier ». Ce que nous avons fait, nous, la défense, et ce que le tribunal peut faire, ce que chaque homme conscient de la discrimination qui frappe les mêmes femmes peut faire, c’est se livrer à un sondage très simple. Prenez des jugements de condamnation pour avortement, prenez les tribunaux de France que vous voudrez, les années que vous voudrez, prenez cent femmes condamnées et faites une coupe socio-économique : vous retrouverez toujours les mêmes résultats :
- 26 femmes sont sans profession, mais de milieu modeste, des « ménagères » ;
- 35 sont employées de bureau (secrétaires-dactylos) : au niveau du secrétariat de direction, déjà, on a plus d’argent, on a des relations, on a celles du patron, un téléphone… ;
- 15 employées de commerce et de l’artisanat (des vendeuses, des coiffeuses…) ;
- 16 de l’enseignement primaire, agents techniques, institutrices, laborantines ;
- 5 ouvrières ;
- 3 étudiantes.
Autre exemple de cette justice de classe qui joue, sans la moindre exception concernant les femmes : le manifeste des 343.
Vous avez entendu à cette barre trois de ses signataires. J’en suis une moi-même. Trois cent quarante trois femmes (aujourd’hui, trois mille) on dénoncé le scandale de l’avortement clandestin, le scandale de la répression et le scandale de ce silence que l’on faisait sur cet avortement. Les a-t-on seulement inculpées ? Nous a-t-on seulement interrogées ? Je pense à Simone de Beauvoir, à Françoise Sagan, à Delphine Seyrig – que vous avez entendues – Jeanne Moreau, Catherine Deneuve… Dans un hebdomadaire à grand tirage, je crois, Catherine Deneuve est représentée avec la légende : « La plus jolie maman du cinéma français » ; oui certes, mais c’est aussi « la plus jolie avortée du cinéma français » !

Retournons aux sources pour que Marie-Claire, qui s’est retrouvée enceinte à seize ans, puisse être poursuivie pour délit d’avortement, il eût fallu prouver qu’elle avait tous les moyens de savoir comment ne pas être enceinte, et tous les moyens de prévoir.
Ici, Messieurs, j’aborde le problème de l’éducation sexuelle.
Vous avez entendu les réponses des témoins. Je ne crois pas que, sur ce point, nous avons appris quelque chose au tribunal. Ce que je voudrais savoir, c’est combien de Marie-Claire en France ont appris qu’elles avaient un corps, comment il était fait, ses limites, ses possibilités, ses pièges, le plaisir qu’elles pouvaient en prendre et donner ?
Combien ?
Très peu, j’en ai peur.
Il y a dans mon dossier une attestation de Mme Anne Pério, professeur dans un lycée technique, qui indique que, durant l’année scolaire 1971-1972, il y a eu treize jeunes filles entre dix-sept ans et en vingt ans en état de grossesse dans ce lycée. Vous avez entendu, à l’audience, Simone Iff, vice-présidente du Planning familial. Elle est venue vous dire quel sabotage délibéré les pouvoirs publics faisaient précisément de cet organisme qui était là pour informer, pour prévenir, puisque c’est de cela qu’il s’agit.
Vous avez, Messieurs, heureusement pour vous, car je vous ai sentis accablés sous le poids de mes témoins et de leur témoignage, échappé de justesse à deux témoignages de jeunes gens de vingt ans et de dix-sept ans, mes deux fils aînés, qui voulaient venir à cette barre. Ils voulaient vous dire d’abord à quel point l’éducation sexuelle avait été inexistante pendant leurs études. L’un est dans un lycée et l’autre est étudiant. Ils voulaient faire – il faut le dire – mon procès. Mon procès, c’est-à-dire le procès de tous les parents. Car l’alibi de l’éducation sexuelle, à la maison, il nous faut le rejeter comme quelque chose de malhonnête.
Je voudrais savoir combien de parents – et je parle de parents qui ont les moyens matériels et intellectuels de le faire – abordent tous les soirs autour de la soupe familiale l’éducation sexuelle de leurs enfants.
Mme Chevalier, on vous l’a dit, n’avait pas de moyens matériels, et elle n’avait pas reçu elle-même d’éducation sexuelle. Je parle de moi-même et de mes rapports avec mes enfants. Moi, je n’ai pas pu le faire. Pourquoi ? Je n’en sais rien. Mais je peux peut-être essayer de l’expliquer. Peut-être parce que, entre les parents et les enfants, il y a un rapport passionnel, vivant, vivace, et c’est bon qu’il en soit ainsi ; peut-être aussi parce que, pour les enfants, il y a cette image des rapports amoureux des parents et que cela peut culpabiliser les enfants et la mère ? Toujours est-il que l’on ne peut décider que les parents auront l’entière responsabilité de l’éducation sexuelle. Il faut des éducateurs spécialisés, quitte pour les parents à apporter, en quelque sorte, une aide complémentaire.
Pourquoi ne pratique-t-on pas l’éducation sexuelle dans les écoles puisqu’on ne veut pas d’avortement ?
Pourquoi ne commence-t-on pas par le commencement ? Pourquoi ?
Parce que nous restons fidèles à un tabou hérité de nos civilisations judéo-chrétiennes qui s’oppose à la dissociation de l’acte sexuel et de l’acte de procréation. Ils sont pourtant deux choses différentes. Ils peuvent être tous les deux actes d’amour, mais le crime des pouvoirs publics et des adultes est d’empêcher les enfants de savoir qu’ils peuvent être dissociés.

Deuxième responsabilité :
L’accusation, je le lui demande, peut-elle établir qu’il existe en France une contraception véritable, publique, populaire et gratuite ? Je ne parle pas de la contraception gadget, de la contraception clandestine qui est la nôtre aujourd’hui. Je parle d’une véritable contraception. Je dois dire que j’ai cru comprendre que même la contraception était prise à partie dans ce débat.
Je dois dire qu’il m’est arrivé de parler à plusieurs reprises de ce problème, publiquement. J’ai eu face de moi des hommes d’Église : même eux n’avaient pas pris cette position. La contraception, à l’heure actuelle, c’est peut-être 6% ou 8% des femmes qui l’utilisent. Dans quelles couches de la population ? Dans les milieux populaires, 1% !
Dans la logique de la contraception, je dis qu’est inscrit le droit à l’avortement.
Supposons que nous ayons une parfaite éducation sexuelle. Supposons que cela soit enseigné dans toutes les écoles. Supposons qu’il y ait une contraception véritable, populaire, totale, gratuite. On peut rêver… Prenons une femme libre et responsable, parce que les femmes sont libres et responsables. Prenons une de ces femmes qui aura fait précisément ce que l’on reproche aux autres de ne pas faire, qui aura manifesté constamment, régulièrement, en rendant visite à son médecin, sa volonté de ne pas avoir d’enfants et qui se trouverait, malgré tout cela, enceinte.
Je pose alors la question : « Que faut-il faire ? »
J’ai posé la question à tous les médecins. Ils m’ont tous répondu, à l’exception d’un seul : « il faut qu’elle avorte ». Il y a donc inscrit, dans la logique de la contraception, le droit à l’avortement. Car personne ne peut soutenir, du moins je l’espère, que l’on peut donner la vie par échec. Et il n’y a pas que l’échec. Il y a l’oubli. Supposez que l’on oublie sa pilule. Oui. On oublie sa pilule. Je ne sais plus qui trouvait cela absolument criminel. On peut oublier sa pilule. Supposez l’erreur. L’erreur dans le choix du contraceptif, dans la pose du diaphragme.
L’échec, l’erreur, l’oubli…
Voulez-vous contraindre les femmes à donner la vie par échec, par erreur, par oubli ? Est-ce que le progrès de la science n’est pas précisément de barrer la route à l’échec, de faire échec à l’échec, de réparer l’oubli, de réparer l’erreur ? C’est cela, me semble-t-il, le progrès. C’est barrer la route à la fatalité et, par conséquence, à la fatalité physiologique.
J’ai tenu à ce que vous entendiez ici une mère célibataire. Le tribunal, je l’espère, aura été ému par ce témoignage. Il y a ici des filles, des jeunes filles qui, elles, vont jusqu’au bout de leur grossesse pour des raisons complexes, mais disons, parce qu’elles respectent la loi, ce fameux article 317. Elles vont jusqu’au bout.
Que fait-on pour elles ? On les traites de putains. On leur enlève leurs enfants, on les oblige, la plupart du temps, à les abandonner ; on leur prend 80% de leur salaire, on ne se préoccupe pas du fait qu’elles sont dans l’obligation d’abandonner leurs études. C’est une véritable répression qui s’abat sur les mères célibataires. Il y a là une incohérence au plan de la loi elle-même.
J’en arrive à ce qui me paraît le plus important dans la condamnation de cette loi. Cette loi, Messieurs, elle ne peut pas survivre et, si l’on m’écoutait, elle ne pourrait pas survivre une seconde de plus : Pourquoi ?
Pour ma part, je pourrais me borner à dire : parce qu’elle est contraire, fondamentalement, à la liberté de la femme, cet être, depuis toujours opprimé. La femme était esclave disait Bebel, avant même que l’esclavage fût né. Quand le christianisme devint une religion d’État, la femme devint le « démon », la « tentatrice ». Au Moyen Âge, la femme n’est rien. La femme du serf n’est même pas un être humain. C’est une bête de somme. Et malgré la Révolution où la femme émerge, parle, tricote, va aux barricades, on ne lui reconnaît pas la qualité d’être humain à part entière. Pas même le droit de vote. Pendant la Commune, aux canons, dans les assemblées, elle fait merveille. Mais une Louise Michelle et une Hortense David ne changeront pas fondamentalement la condition de la femme.
Quand la femme, avec l’ère industrielle, devient travailleur, elle est bien sûr – nous n’oublions pas cette analyse fondamentale – exploitée comme les autres travailleurs.
Mais à l’exploitation dont souffre le travailleur, s’ajoute un coefficient de surexploitation de la femme par l’homme, et cela dans toutes les classes.
La femme est plus qu’exploitée. Elle est surexploitée. Et l’oppression – Simone de Beauvoir le disait tout à l’heure à la barre – n’est pas seulement celle de l’économie.
Elle n’est pas seulement celle de l’économie, parce que les choses seraient trop simples, et on aurait tendance à schématiser, à rendre plus globale une lutte qui se doit, à un certain moment, d’être fractionnée. L’oppression est dans la décision vieille de plusieurs siècles de soumettre la femme à l’homme. « Ménagère ou courtisane », disait d’ailleurs Proudhon qui n’aimait ni les juifs, ni les femmes. Pour trouver le moyen de cette soumission, Messieurs, comment faire ? Simone de Beauvoir vous l’a très bien expliqué. On fabrique à la femme un destin : un destin biologique, un destin auquel aucune d’entre nous ne peut ou n’a le droit d’échapper. Notre destin à toutes, ici, c’est la maternité. Un homme se définit, existe, se réalise, par son travail, par sa création, par l’insertion qu’il a dans le monde social. Une femme, elle, ne se définit que par l’homme qu’elle a épousé et les enfants qu’elle a eus.
Telle est l’idéologie de ce système que nous récusons.
Savez-vous, Messieurs, que les rédacteurs du Code civil, dans leur préambule, avaient écrit ceci et c’est tout le destin de la femme : « La femme est donnée à l’homme pour qu’elle fasse des enfants… Elle est donc sa propriété comme l’arbre à fruits est celle du jardinier. » Certes, le Code civil a changé, et nous nous en réjouissons. Mais il est un point fondamental, absolument fondamental sur lequel la femme reste opprimée, et il faut, ce soir, que vous fassiez l’effort de nous comprendre.
Nous n’avons pas le droit de disposer de nous-mêmes.
S’il reste encore au monde un serf, c’est la femme, c’est la serve, puisqu’elle comparaît devant vous, Messieurs, quand elle n’a pas obéi à votre loi, quand elle avorte. Comparaître devant vous. N’est-ce pas déjà le signe le plus certain de notre oppression ? Pardonnez-moi, Messieurs, mais j’ai décidé de tout dire ce soir. Regardez-vous et regardez-nous. Quatre femmes comparaissent devant quatre hommes… Et pour parler de quoi ? De sondes, d’utérus, de ventres, de grossesses, et d’avortements !...
-       Croyez-vous que l’injustice fondamentale et intolérable n’est pas déjà là ?
-       Ces quatre femmes devant ces quatre hommes !
-   Ne croyez-vous pas que c’est là le signe de ce système oppressif que subit la femme ? Comment voulez-vous que ces femmes puissent avoir envie de faire passer tout ce qu’elles ressentent jusqu’à vous ? Elles ont tenté de le faire, bien sûr, mais quelle que soit votre bonne volonté pour les comprendre – et je ne la mets pas en doute – elles ne peuvent pas le faire. Elles parlent d’elles-mêmes, elles parlent de leur corps, de leur condition de femmes, et elles en parlent à quatre hommes qui vont tout à l’heure les juger. Cette revendication élémentaire, physique, première, disposer de nous-mêmes, disposer de notre corps, quand nous la formulons, nous la formulons auprès de qui ? Auprès d’hommes. C’est à vous que nous nous adressons.
-    Nous vous disons : « Nous, les femmes, nous ne voulons plus être des serves ».
Est-ce que vous accepteriez, vous, Messieurs, de comparaître devant des tribunaux de femmes parce que vous auriez disposé de votre corps ?... Cela est démentiel !
Accepter que nous soyons à ce point aliénées, accepter que nous ne puissions pas disposer de notre corps, ce serait accepter, Messieurs, que nous soyons de véritables boîtes, des réceptacles dans lesquels on sème par surprise, par erreur, par ignorance, dans lesquels on sème un spermatozoïde. Ce serait accepter que nous soyons des bêtes de reproduction sans que nous ayons un mot à dire.
L’acte de procréation est l’acte de liberté par excellence. La liberté entre toutes les libertés, la plus fondamentale, la plus intime de nos libertés. Et personne, comprenez-moi, Messieurs, personne n’a jamais pu obliger une femme à donner la vie quand elle a décidé de ne pas le faire.
En jugeant aujourd’hui, vous allez vous déterminer à l’égard de l’avortement et à l’égard de cette loi et de cette répression, et surtout, vous ne devrez pas esquiver la question qui est fondamentale. Est-ce qu’un être humain, quel que soit son sexe, a le droit de disposer de lui-même ? Nous n’avons plus le droit de l’éviter.
J’en ai terminé et je pris le tribunal d’excuser la longueur de mes explications. Je vous dirai seulement encore deux mots : a-t-on encore, aujourd’hui, le droit, en France, dans un pays que l’on dit "civilisé", de condamner des femmes pour avoir disposé d’elles-mêmes ou pour avoir aidé l’une d’entre elles à disposer d’elle-même ? Ce jugement, Messieurs, vous le savez – je ne fuis pas la difficulté, et c’est pour cela que je parle de courage – ce jugement de relaxe sera irréversible, et à votre suite, le législateur s’en préoccupera. Nous vous le disons, il faut le prononcer, parce que nous, les femmes, nous, la moitié de l’humanité, nous sommes mises en marche. Je crois que nous n’accepterons plus que se perpétue cette oppression.
Messieurs, il vous appartient aujourd’hui de dire que l’ère d’un monde fini commence. »